Comment ça c’est pareil ? Bien sûr, c’est une image. Tout va bien : vous ne vous shootez pas en écoutant Coldplay. Non, l’idée est tout autre, et pas moins intéressante !
Au risque de plonger dans un grand débat métaphysique entre illuminés du dimanche, cet article tente de décortiquer un phénomène extraordinaire et en pleine expansion aujourd’hui. Très sérieux et scientifique, il est utilisé dans des domaines aussi vastes que la réalité augmentée, les inductions en transe et la médecine. Et il part d’un phénomène 100% naturel !
Première étape pour comprendre ce délire : le battement binaural
Le grrrRRRRRrRRaAaAAnD et sssSSsSPecTACULAIRE battement binaural est un effet auditif découvert au 19e siècle par un physicien prussien du doux nom de Wilhelm Dove.
Il n’est pas très compliqué à comprendre : lorsque nous sommes soumis à deux sons différents en simultané, notre cerveau peut être amené à produire une pulsation (une sorte de « wum-wum-wum »). Tout simplement.
Je vous invite à écouter cette petite audio (avec écouteurs, c’est mieux) pour comprendre très facilement ce truc de fou : chaque écouteur diffuse un son plat, mais les deux ensemble créent un battement binaural.
Dans la vie de tous les jours, nous sommes soumis à des signaux sonores en permanence. La tronçonneuse du voisin, le chien de Madame Dupont. Nos oreilles sont dessinées de manière à capter ces sons et à nous faire ressentir une sensation de « son tridimensionnel », c’est à dire que nous devenons capable de situer le son autour de nous quand nous l’entendons : « le chien a aboyé, le bruit venait de là ! ».
Il existe des personnes insensibles à cela, comme par exemple les personnes souffrant d’une surdité asymétrique. La raison est simple : notre cerveau a besoin des récepteurs de chaque oreille pour reconstituer notre environnement.
Pour mieux comprendre : ci-dessous, l’exemple le plus trendy de l’expérience binaurale. Presenting : Virtual Barber Shop ! C’est fou ce qu’on arrive à faire avec deux micros et un mannequin. Fermez donc les yeux, mettez vos écouteurs, et imaginez-vous dans cette boutique, avec Luigi, votre nouveau barbier… en binaural.
Vous l’avez compris, ce truc du « binaural » est utilisé pour rendre un son plus naturel, plus vivant. Mais comment ? Comment a-t-on réussi ce prodige ?
En réalité, Wilhelm Dove n’avait pas du tout imaginé l’expérience du barbier. Ce qu’il a découvert, lui, réside au coeur du phénomène. Le vrai battement binaural est en fait une pulsation, produite par notre cerveau, lorsque ce dernier reçoit deux signaux sonores de fréquence différente.
Par exemple, si on vous balance un son « plat » à 114Hz (un la#) dans l’oreille droite, et un son « plat » à 124Hz (un si) dans l’oreille gauche, vous allez entendre un « si-la# », accompagné d’un « wum-wum-wum-wum » à 124Hz-114Hz = 10Hz (c’est-à-dire 10 battements par seconde). C’est là le battement binaural en question, cf l’extrait plus haut.
Pourquoi ce calcul débile ?
En fait, notre cerveau est malin, et lorsqu’il reçoit ces deux sons différents, le battement qu’il produit est égal à la différence entre les deux fréquences. Mais attention ! Si ces sons sont trop aigus (au-delà de 1500Hz), on n’entendra plus parler de ce battement binaural.
Quelles applications pour le binaural ?
Beaucoup ! Des sons ont déjà été commercialisés et vendus sous formes de drogues : peut-être avez-vous déjà entendu parler de I-doser, sur le marché des e-drugs ? Pour faire gros, sur notre fantastique Internet, se vendent LSD, héroïne et cannabis au format mp3. Pas sûr que Monsieur Dove ait imaginé notre côté si spirituel !
Mais attendez, on ne fait pas que des drogues, oh ! I-doser n’est pas le seul à les utiliser. Des sons binauraux ont d’ores et déjà été inclus dans certains types de musiques. Certains rythmes induisent des pulsations profondes dans notre corps.
On parle d’un malaise, ou au contraire de frissons de plaisir, comme par exemple dans la musique électronique (psytrance, goa, minimal…) ou autres. Eh bien il y a aussi les musiques boostées au battement binaural. Méditation, endormissement, concentration, relaxation, tout y passe. Un large éventail d’applications thérapeutiques est également proposé.
Certaines écoutes requièrent un engagement de votre part, comme s’allonger sur un lit, éteindre la lumière, etc. alors que d’autres ne vous demandent rien d’autre que votre ébahissement le plus total (cf. Barber Shop, ou The Interrogation Chamber, plus flippante).
On voit donc que ces fréquences jouent à la fois sur notre psychologie (effet placebo, engagement), et sur ce qui ne dépend pas de nous.
Mais comment est-ce possible ? Je croyais que ce n’était qu’un battement…
Alorsalorsalors. Vous avez parfaitement raison, ce n’est qu’un battement. Comment un simple battement pourrait-il vous endormir, vous faire travailler, vous soigner, vous défoncer ? La solution… se cache dans le cerveau bien sûr.
Notre cerveau émet des ondes différentes tout au long de la journée. Quand vous buvez un café, quand vous papotez avec un collègue, quand vous allez faire dodo. Les scientifiques ont identifié quatre types précis d’ondes cérébrales, que nous allons (rapidement 😉 ) détailler.
P’tit conseil oklm
Vous pouvez les voir comme des plages de fréquence : elles peuvent dépasser les unes sur les autres.
- β – ondes Bêta : Elles vont de 13 à 30 Hz. Ce sont les ondes émises lorsque votre cerveau est en alerte, à l’éveil quoi. Quand vous vous concentrez sur un problème de maths, que vous parlez ou comptez le nombre de grains de sable sur la plage, c’est celles-ci qui sont actives.
- α – ondes Alpha : Elles vont de 8 à 13 Hz chez les adultes. Ce rythme est présent lorsqu’on se sent bien, quand on se relaxe, par exemple après avoir bien mangé et qu’on renverse la tête en faisant « aaaAAahhh ».
- θ – ondes Thêta : Là, on rentre dans la catégorie poids lourd. Sous 7 Hz se situe le rythme que l’on produit lorsqu’on s’endort par exemple, ou quand on est en état de profonde méditation. De manière assez incroyable, et vous le ressentez probablement si vous méditez, les ondes alpha et thêta se rapprocheront, ce qui donnera cette sensation de la pleine conscience.
- δ – ondes Delta : Allant de 0,5 à 4 Hz, elles sont lentes. C’est le rythme que produit notre cerveau lorsque nous sommes profondément endormis ou inconscients.
- Une petite dernière, plus rare et pas vraiment officielle : Les ondes Gamma (γ) sont émises en état d’excitation extrême, genre « il faut absolument que vous sauviez une vie ». Elles peuvent aller jusqu’à 80 Hz !
Du coup ?
Allez ! Essayez de deviner : 4Hz, 8Hz, 9Hz… Ça ne vous rappelle rien ?
Bien sûr ! Le battement binaural ! Encore lui. Plus tôt, vous avez lu que, soumis à deux sons particuliers, le cerveau produisait ce battement, n’est-ce pas ? Rien de plus vrai. Et il produit aussi ce rythme cérébral, ces ondes bêta, alpha…
Wilhelm Dove se dit alors : « et si on créait des sons spéciaux qui obligeaient notre cerveau à produire un battement particulier ? » Si on le force à produire un battement binaural de 15Hz, on sera donc dans le rythme bêta ! Et si on le force à produire du 2Hz, il rentrera dans le rythme delta.
Donc quand on balançait nos deux sons précédents (qui avaient 10Hz de différence) notre cerveau produisait un battement de 10Hz et rentrait dans le rythme ALPHA ! Celui de la relaxation.
C’est extraordinaire non ?
Voulez-vous en savoir plus ?
Si vous êtes curieux et désireux d’explorer cet intrigant mystère, voici une vidéo dont la piste audio est binaurale. Elle explore plusieurs rythmes cérébraux pendant les 30 premières minutes, et a pour but d’induire un possible rêve lucide… si vous êtes intéressé 😉
Attention, ça ne s’écoute pas debout, ni au volant ! Il est conseillé de s’allonger et se préparer à dormir pour de vrai. Ensuite, c’est bon, faites-vous plaisir. Bonne écoute, et bon voyage !
16 Commentaires
Perrin Victor
28 juin 2017 à 18 h 12 minJ’ai une petite question sur cet article VRAIMENT TROP COOL que tu nous as pondu. Dans le schéma avec les fréquences, la courbe des 80Hz n’est pas censé supporter plus de pics ? Car il me semble bien que 80Hz=80 pics/secondes.
Voilà, je fais le pointilleux mais le reste de l’article et tellement bien que je me suis dit que ça serait dommage qu’il y ait une erreur 😉
André
29 juin 2017 à 11 h 01 minSalut Victor ! Tu as parfaitement raison, merci d’ailleurs d’attirer mon attention là-dessus. L’image n’est pas de moi, elle vient d’internet en fait, voici la source primaire : https://bebrainfit.com/
Je vais changer l’image asap pour une plus pertinente 😉
laurefranquelin
28 juin 2017 à 21 h 16 minJ’aime bien ton article. Par contre je n’ai pas tout compris au son écouté plus haut ?
André
29 juin 2017 à 14 h 53 minMerci Laure ! Désolé de ne pas avoir été plus clair.
En fait, la piste audio (source : wikipedia) est supposée déclencher un battement binaural dans ta tête. Quand tu l’écoutes avec tes écouteurs, tu peux constater qu’en enlevant l’oreillette droite, tu entends le son sans le battement, et en la remettant et en enlevant l’oreillette gauche, tu entends encore un son proche du précédent, et toujours sans battement. Ce sont les deux ensemble qui font que ton cerveau produit le battement binaural, qui pulse à une fréquence égale à la différence des deux fréquences (oreillette droite – oreillette gauche) !
N’hésite pas si ce n’est toujours pas clair 😀
laurefranquelin
28 juin 2017 à 21 h 22 minJ’aime beaucoup le dernier son, est-il possible de le télécharger quelque part afin de l’écouter tranquillement ?
André
29 juin 2017 à 14 h 55 minTrop bien ! Alors c’est un son YouTube, du coup je pense qu’il est illégal de le télécharger. Tu peux toujours essayer, mais voilà 😉
Tu peux le retrouver sur YouTube en cliquant sur le logo, en bas à droite dans la vidéo !
Alaet
29 juin 2017 à 17 h 19 minWow. Cool Cool Cool !
C’était : intéressant, clair et bien amené ! De la qualitey ! Un autre un autre
André
29 juin 2017 à 20 h 14 minBas les masques @alaet !!!
Hahaha merci beaucoup tkt il y en a un autre qui se prépare 😉
Edgar
29 juin 2017 à 18 h 36 minA votre premier article j’étais fasciné par la passion qui y était retransmise ; j’en suis actuellement fasciné par la passion que vous m’avez transmis.
Mais alors au deçà même de cet intérêt, mon esprit sceptique et très encombrant me revient : est-ce véritablement établi ?
C’est dire, le premier article trouvé (Wikipedia forcément) admet l’existence véritable de ces ondes binaurales ; mais « Leur influence prétendue sur les ondes cérébrales, sur la relaxation ou la santé n’a pas été prouvée scientifiquement, les rares études sur le sujet ayant des résultats contradictoires »
En fouillant sur le net, rien de concret… et comme je déteste Wikipédia pour maintes raisons je ne sais plus vraiment à quoi me fier.
Quoiqu’il en soit vous avez éveillé ma curiosité et je crois que c’est un domaine à explorer, merci beaucoup pour cet article !
PS : Le Barbier et la Chambre d’Interrogatoire sont fascinants de réalisme !
André
2 juillet 2017 à 18 h 10 minMerci encore Edgar !! Vos commentaires sont toujours très agréables à lire. On a envie d’y répondre !
Il est clair que le cerveau produit le phénomène de battement binaural. Il est également prouvé que ces battements correspondent à la fréquence d’un rythme cérébral donné, rythme qui peut varier entre 0 et l’infini.
Des IRM ont déjà montré que le rythme cérébral varie en fonction de l’activité que l’on pratique.
Si on combine ces deux propositions, on arrive intuitivement à la conclusion que le battement binaural modifie le rythme cérébral et donc aide à modifier notre état mental.
Malheureusement, je l’avoue ici, je n’ai trouvé aucune IRM ou autre scan démontrant ce qui reste aujourd’hui, apparemment, une hypothèse.
Sur un plan plus personnel, je considère comme évidente l’influence que le battement binaural a sur notre état physique et mental. J’aime prendre comme exemple les sirène de pompiers : on peut remarquer qu’elles émettent deux sons, qui sont très probablement binauraux : « tu-tûû-tu-tûû », et ces derniers battent à une fréquence élevée, entraînant une alerte immédiate (et presque désagréable, mais ça c’est plutôt le volume) de toutes les personnes alentours. Etat bêta ?
Beaucoup de recherches sont encore à faire concernant ce sujet, et je suis certain que nous aurons une réponse plus détaillée d’ici quelques années.
Merci encore pour votre remarque, n’hésitez pas à commenter si jamais vous trouvez de quoi partager quoi que ce soit de nouveau sur le sujet !! 🙂
A bientôt !
André
21 septembre 2017 à 20 h 59 minhttps://www.mental-waves.com/ondes-cerebrales-et-synchronisation/
Le Clanche Valérie
23 octobre 2017 à 10 h 12 minBonjour,
Bravo pour les explications, c’est limpide !
Merci
Bien à toi
Valérie
Jules
20 décembre 2017 à 15 h 26 minMais dans le tout premier exemple, les sons ne sont pas « plats », même écoutés séparément (et au caque), ils sont déjà pulsés !
Block
12 février 2018 à 22 h 18 minsalut André j’aimerais pour un travail scolaire prendre la bande son que tu as mit dans ton article ou est ce possible de la trouver ?
grimmofth
16 mai 2018 à 0 h 59 minOn te l’a déja dit , mais trés bien impressionant ton article , ce site est enorme je viens juste de tomber dessus. Bonne continuation
Marie-Pascale
26 janvier 2019 à 14 h 31 minBonjour!
Je voudrais savoir deux choses. Quand on écoute des sons binauraux, est-il important d’avoir l’écouteur gauche dans l’oreille gauche et de même pour l’écouteur droit ou cela n’a pas d’importance?
Et deuxièmement, faut-il être assis ou allongé et se concentrer sur l’écoute ou peut-on les écouter en vaquant à ses occupations?
Merci d’avance!